466 - En contemplant le Christ, découvrir qui nous sommes

C’est le renoncement à ce « moi autosuffisant », le consentement à notre fragilité qui est la condition de notre humanisation.

L'édito du 30 août 2020

               Dimanche dernier nous entendions la première partie du dialogue entre Jésus et Simon. Dialogue étrange au cours duquel il est question de découvrir qui est Jésus mais qui se retourne pour finalement nous apprendre qui est Simon : « Tu es Pierre… ». La question de l’identité de Jésus et celle de Simon Pierre sont intimement liées. Jésus n’est pas seulement venu nous révéler qui est Dieu ; il est aussi venu nous apprendre qui nous sommes.

 

               Et voilà que ce dimanche nous entendons la deuxième partie de ce dialogue. Simon vient d’affirmer que Jésus est le Christ mais l’on découvre qu’il ne comprend pas grand-chose au mot qu’il vient de prononcer. Ou plutôt qu’il le comprend à sa manière. Lorsque Jésus annonce sa souffrance à venir, sa condamnation et sa mort, Simon s’oppose. Car il est pour lui inconcevable que le Christ passe par là. Ça ne rentre pas dans ses plans. Il s’imagine sans doute un Christ qui en impose ; pas un pauvre type qui meurt sur une croix. Il voudrait plier Dieu à ses vues humaines. Mais par ce raidissement, il fait barrage au travail de Dieu en lui.

 

               En fait, l’ignorance de Pierre sur ‘qui est le Christ’ va de pair avec son ignorance sur ‘qui il est lui-même’. Car Pierre se fait des illusions sur Jésus comme il s’en fait sur lui-même. Comme chacun de nous d’ailleurs.

 

               Nous rêvons d’un Dieu comme nous l’avons décidé, un Dieu qui viendrait satisfaire nos instincts dominateurs ; nous projetons sur lui nos désirs de puissance alors que Jésus annonce un messie crucifié.

 

               De la même manière, nous nous trompons sur ce que nous sommes : nous nous rêvons sans limite et sans condition, ne dépendant de rien ni de personne alors que c’est le renoncement à ce « moi autosuffisant », le consentement à notre fragilité qui est la condition de notre humanisation.

 

               Comme il est troublant de découvrir que, dans l’Evangile, les deux questions sont intimement liées ! La question « qui est Dieu ? » et la question « qui suis-je ? ». Dans les deux cas, il nous faut faire le deuil de nos illusions de puissance pour entrer enfin dans cette transformation intérieure et dans la vie véritable.

               Nous vivons dans une société qui nous entretient dans les illusions en tout genre et qui en fait commerce. Ce monde, en laissant libre cours au désir tout puissant de l’homme, en érigeant en droit la réalisation de ses caprices, nous éloigne de notre vérité humaine qui est tout l’inverse : un consentement à la limite, un renoncement à la toute-puissance. C’est lorsque nous nous laissons dépouiller de cette illusion de toute-puissance que nous devenons véritablement humains ; c’est lorsque nous acceptons de mourir que nous devenons pleinement vivants ! Sur ce point, l’Evangile est d’une actualité brûlante…

 

Père Pierre-Alain LEJEUNE

Partager sur: Partager sur Twitter Partager sur Facebook Partager sur Google+