631 - Memento mori

Souviens-toi que tu vas mourir

Édito du dimanche 5 novembre 2023

Est-ce le mois de novembre et l’obscurité froide de l’automne qui nous gagnent ; ou bien la visite traditionnelle aux tombes de nos proches ; ou bien encore ces feuilles mortes que l’on ramasse à la pelle ? Toujours est-il que chaque année, à la même époque, revient comme un thème saisonnier la question de la mort. La question de notre mort. Voilà un sujet dont nous avons du mal à parler…

                Alors qu’en d’autres siècles la mort semblait trop présente dans la vie sociale, notre époque, à l’inverse, en a fait un tabou, une réalité que l’on cherche à cacher, un mot que l’on n’ose même plus prononcer. Ce déni de la mort est, je le crois, un déni d’humanité car la finitude est un trait essentiel de notre humanité. Et le projet de loi sur la légalisation de l’euthanasie participe du même déni : provoquer la mort, prétendre la maîtriser, c’est une autre manière de la nier, de la refuser.

Une antique tradition philosophique et spirituelle invitait à se redire chaque jour : « memento mori » (souviens-toi que tu vas mourir). Chaque matin, nous rappeler l’évidence de notre mort à venir ; du haut de notre 21ème siècle nous pourrions trouver cela morbide et malsain. Je crois au contraire qu’il est essentiel de redécouvrir cette sagesse ancienne. Car préparer sa mort est la meilleure manière de vivre bien, de vivre mieux, de vivre pleinement. C’est uniquement lorsqu’elle est intégrée à la vie, lorsqu’elle est accueillie comme un moment d’une vie plus grande que la mort est vaincue. Beaucoup de personnes disent souhaiter mourir dans leur sommeil, pour ne surtout pas s’en rendre compte… Or, selon notre tradition chrétienne, c’est au contraire la pire des malédictions que de mourir subitement, de mourir sans avoir eu le temps de s’y préparer. Mais « les gens vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et ils meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu » : personne ne sait réellement de qui sont ces mots mais ils expriment une profonde vérité. Car vivre en se préparant à mourir est la meilleure, la plus belle manière de vivre. Préparer sa mort, c’est d’abord se préparer à une rencontre ; se préparer à La Rencontre ! C’est cela demander à Dieu la grâce d’une bonne mort.

                Il reste que la mort d’un proche est toujours une épreuve et même une tragédie lorsqu’il s’agit d’un enfant. Mais, comme toutes les épreuves de la vie, il me semble que le deuil ne peut être dépassé que lorsque la vraie question est affrontée. Or la vraie question, c’est celle de notre propre mort, de notre finitude. Dans un beau dossier du journal La Croix ce week-end je lisais ces mots : « On pense que ce sont les vivants qui ferment les yeux des morts, mais ce sont les morts qui ouvrent les yeux des vivants ». Voilà le plus grand service que peuvent nous rendre nos défunts : nous ouvrir les yeux, nous aider à garder les yeux grand ouverts sur la réalité de notre existence. Et ainsi nous apprendre à vivre vraiment. Nous croyons au Christ mort et ressuscité ; or la résurrection ce n’est pas la mort niée, la mort évitée, la mort esquivée. C’est la mort traversée. Avec le Christ, les yeux ouverts.

Père Pierre-Alain Lejeune

 

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